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HITZA PITZ Allande Socarros

GOGOETA ASKEAK - PENSÉES LIBRES “Parler de liberté n'a de sens qu'à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre.” Georges Orwell

Lutte contre la spéculation : dépasser le réactionnel

Les récentes actions anti-spéculation foncière et immobilières, particulièrement celles perpétrées en Soule, ont enflammé les esprits, au point de susciter un rassemblement sur le mot d’ordre “Non à la violence”, à Tardets, à l’appel des responsables de la Communauté de communes. A ce propos, il faut être honnête et considérer que le texte élaboré par la collectivité territoriale n’était pas du style boutefeu et apparaissait même plutôt équilibré. Certes, il condamnait en préalable les incendies de maisons inoccupées et de véhicules survenus ces dernières semaines. Politiquement parlant, pouvait-il en être autrement, s’agissant d’une institution qui s’inscrit dans le cadre légal et au sein de laquelle cohabitent des sensibilités politiques différentes ? Là encore, l’honnêteté conduit à répondre non. Le principal problème de ce genre de réaction, c’est surtout qu’elle offre un terrain propice à la réapparition sur la scène publique d’une catégorie sociale dont l’espace politique s’est réduit à peau de chagrin ces dernières années : les anti-basques viscéraux.

Une prise de position mesurée

Les luttes menées sur divers terrains, durant les trois décennies précédentes, par le mouvement abertzale ont clairement fait progressé les consciences dans la population, même si ceci ne se traduit pas nécessairement par des gains électoraux probants. Une nouvelle génération d’élus locaux a pris la suite des Franz Duboscq, Bernard Marie et consorts, pour ne citer que les anti-basques les plus notoires, et s’il reste des Jacky Coumet ou des Jean Espilondo, il leur faut bien admettre que l’air du temps ne leur est pas des plus favorable. Sauf à sauter sur des occasions comme le rassemble- ment de Tardets, où cependant la teneur de la prise de parole de Battitta Queheille, président de la Communauté de communes de Soule, n’a pas du leur agréer en tous ses points.

Même s’il est toujours délicat d’extraire de son contexte une partie d’une déclaration, la prise de position de la collectivité publique souletine posait clairement les termes du problème, en affirmant que : « la question de l’accession au foncier et à l’immobilier soulevée par ces attentats est réelle » et en ajoutant plus loin « nous appelons les propriétaires fonciers et immobiliers à être vigilants, des prix trop élevés empêchant les successions familiales, la reprise d’exploitations agricoles et l’installation de jeunes ménages (…) ». Bien sûr, là encore, on pourrait gloser à l’envi sur le ton prudentissime employé, mais il convient de considérer que dans la configuration sociopolitique actuelle du Pays basque nord ce propos est déjà un net progrès par rapport à des temps pas si lointains.

Du symptôme au traitement de fond

Si des anti-basques viscéraux – certains d’entre eux pouvant d’ailleurs être parfaitement bascophones – étaient bien présents au rassemblement de Tardets et si parmi eux quelques uns se sont répandus en propos incendiaires, irresponsables, et pour tout dire imbéciles, du genre « si c’est comme ça, – en parlant des actions – il ne faut pas construire l’ikastola de Tardets » – dont la Communauté de commune est maître d’ouvrage –, il faut admettre que l’occasion leur a été un tant soi peu offerte de sortir du bois. Car, pour dire les choses clairement, les actions censées s’inscrire dans une lutte contre le phénomène spéculatif dans le foncier et l’immobilier pêchent pour le moins en termes de ‘ciblage’, et tout autant, sinon plus, en matière de perspectives politiques.

S’il n’est pas question de mettre en doute les motivations sincères des auteurs de ces actions à vouloir défendre le Pays basque, il faut bien reconnaître que certaines des cibles visées n’apparaissent pas comme les plus symboliques d’un phénomène spéculatif. On pour- rait être enclin à penser que les informations dont disposaient les personnes qui ont agi n’étaient pas des plus fiables et que la vérification ait fait quelque peu défaut. Mais là n’est pas le plus préoccupant, même si, disant cela, mon propos peut paraître saumâtre à des gens qui ont été atteints dans leurs biens. Le plus problématique est que les actions signées pour la plupart « Euskal Herria ez da salgai » ont toutes les caractéristiques d’un phénomène réactionnel et ne paraissent pas s’inscrire dans la perspective d’une solution politique clairement posée.

La nécessité du projet politique abertzale

Toute action, à fortiori illégale, doit porter en elle le message qu’à tout problème ainsi mis en exergue, il y a des solutions énoncées ou tout au moins des pistes proposées. Le simple activisme peut sans doute être le symptôme d’un mal existant, mais il n’aborde pas les moyens de la guérison. Le cri « Euskal Herria ez da salgai », s’il révèle bien une réalité indéniable et absolument dénonçable, ne va pas jusqu’au fond de la question qui est celle des moyens dont devrait disposer le Pays basque nord pour résister aux phénomènes spéculatifs dans le foncier et l’immobilier.

Ces moyens aurait du être depuis longtemps exposés et défendus sur la place publique dans un projet politique abertzale digne de ce nom. Si cela avait été, il n’est pas sûr que les actions anti- spéculation foncière et immobilière auraient eu des relents de premiers temps des revendications abertzale. Mais l’élaboration d’un véritable projet politique abertzale, complet et crédible, à été sacrifié sur l’autel d’une unité de façade qui n’a d’autre ciment que les revendications à minima portés par le collectif Batera.

Un projet politique, c’est tout autre chose qu’un catalogue de revendications sans lien organique entre elles. Un projet politique, c’est formuler et défendre des propositions qui prétendent apporter des réponses globales, c’est l’outil qui doit nous permettre de convaincre la population de notre pays que nous avons besoin de tous les moyens pour prendre nos affaires en main.

L’autonomie pour définir et conduire des politiques

Ce projet politique doit pouvoir être celui de l’autonomie. Le cadre institutionnel autonomique que nous devons penser, approfondir et argumenter devra comporter tous les moyens de conduire une politique qui garantisse les intérêts vitaux de notre pays, ceux liés bien évidemment à notre identité culturelle dont le vecteur premier est la langue, mais aussi ceux qui concernent tous les autres domaines.

Ainsi doit-il en être des moyens qui permettront de choisir un développement économique et social répondant au mieux aux besoins de la majeure partie de la population, de réguler des problèmes comme la spéculation sur le foncier et l’immobilier. Sur cette question précise, on peut ainsi imaginer des mécanismes qui donneront les compétences juridiques à une institution d’autonomie pour non seulement créer des réserves foncières ou mettre en route des plans de construction de logements pour les résidents permanents au pays, mais aussi pour intervenir en tant que de nécessité pour contrer les dérives de la propriété privé – lorsque celle-ci entre en contradiction avec l’intérêt collectif –, par exemple en élargissant les champs d’application du droit de préemption, voire ceux du droit de réquisition.

Il y très certainement d’autres pistes de réflexion qui devront être approfondies au travers des axes de travail que se propose de mettre en place la structure ‘Autonomia eraiki’. Il faut rappeler que cette démarche est ouverte sans restriction à toutes celles et ceux – abertzale en tout premier lieu, mais pas exclusivement –, qui sont convaincus que l’autonomie est une nécessité cruciale pour un Pays basque nord acteur de son présent et bâtisseur de son devenir.

Allande SOCARROS

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